Au sein de l’exposition collective “Processus” à la Friche, centre culturel dédié à l’art contemporain de La Réunion, Mathilde Lauret nous relate ses regrets, ses amours envers le monde du silence et surtout ses craintes face à sa lente disparition dans notre environnement et nos sociétés actuels. Entre une sculpture mêlant poésie, tristesse, et ses dessins presque organiques, elle nous livre une fois de plus un témoignage sur ce monde inaudible. Il était d’abord prévu que je réalise une résidence artistique entre juin et août 2023 au sein de La Friche, un centre culturel dédié à l’art contemporain à La Réunion.
Malheureusement au bout d’un mois, je subis des soucis de santé soudains, ce qui m’a obligé à annuler la résidence. Toutefois, j’ai été chaleureusement invitée par La Friche à exposer avec ses résidents de l’année 2023 pour le mois de septembre 2023.
Malgré la santé fragile (je vais mieux aujourd’hui !) et des obstacles rencontrés au cours du montage de l’exposition, j’ai pu exposer trois de mes oeuvres publiques les plus récentes.
La seule déception que j’ai eu est la qualité du sol : j’estimais que cela ne mettait pas en valeur ma sculpture, j’avais demandé un sol noir pour créer un contraste. Pour des raisons inconnues, l’œuvre a été exposée ainsi. Bonne lecture !
J’espère pouvoir vous montrer des photos de meilleure qualité dans mon prochain portfolio !
Emergences, 2023
Sculpture tombe en bois, fils de cuivre et de fer, PVC récupérés
Texte présenté à l’exposition :
“Et si le silence telle que l’artiste connaît, disparaissait complètement de La Réunion ? Quels genres de parasites sonores renaîtront ? La sculpture poursuit la réflexion de l’installation sonore « en mémoire des silences (2021) » : durant son voyage sur l’île, l’artiste remarque une disparition lente du silence. Elle alarme sur la présence de plus en plus fréquente des bruits parasites sous formes de vibrations, très souvent de source humaine. Ceux-ci lui provoquent des sensations désagréables ou des douleurs. Ils encouragent également la fuite de la faune et de la flore. Rarement entendus et pourtant perceptibles, ils sont transformés en « fleurs sonores ». Leur transparence rappelle l’invisible. Ces fleurs sont inspirées des Arums de La Réunion, belles à voir mais qui sont de véritables parasites pour certaines forêts, la faune et la flore. La tombe représente une version pessimiste de la disparition du monde silencieux qu’elle chérit, envahie par les fleurs appréciées par ceux ou celles qui craignent le silence. A force de rechercher le monde du silence qu’elle connaît, elle a le sentiment de rechercher un être qui n’existe plus aujourd’hui.”
Et si je t’aimais, 2023
Techniques mixtes sur feuille A3, 2023.
Et si je te haïssais, 2023
Techniques mixtes sur feuille A3, 2023.
MERCI DE NE PAS UTILISER MES IMAGES SANS MON AUTORISATION. LA LOI PUNIT S’IL Y A UNE DIFFUSION NON AUTORISEE DES IMAGES.
Texte présenté à l’exposition :
“Contrairement à ce qu’on le croit, les nuits de l’artiste ne sont pas complètement silencieuses : elles sont aussi un songe d’un autre monde, où le silence peut surprendre telle une entité abstraite, enveloppant son corps de ses bruits inaudibles. Les dessins sont réalisés comme des phases de méditation, au coin de la chambre de l’artiste. Ils sont des représentations du monde des silences et des vibrations, dont le personnage est l’artiste elle-même, mise à nue et qui fait-corps avec les vagues abstraites. Ils sont deux opposés, entre amour et rejet du monde de silence, qui est lié à sa surdité. Un monde dont elle ne peut pas s’échapper, qui l’enveloppe comme les rêves et les cauchemars d’une nuit, à l’image d’un drap dont elle ne peut pas s’en passer pour bien dormir. Un monde qu’elle aime et qu’elle haït, puisque selon elle, le silence du repos fait jaillir des entités insoupçonnées de sa perception sonore. Les couleurs sont inspirées du protocole « le spectre des sourds », qu’elle a développé au cœur de sa démarche artistique, afin de représenter les vibrations perçues des silences.”
Les autres et images présentées lors de l’exposition :
L’eau
L’eau est un élément naturel et essentiel de ma démarche. Elle continue de m’inspirer par ses mouvements, ses formes, sa transparence, sa fluidité, ses caresses sur la peau ; elle est surtout le meilleur élément pour représenter le silence. Quiconque plonge la tête sous cet élément se retrouverait dans un état de silence, dans un monde qui englobe et étouffe les sons. C’est un élément qui reflète : il est aussi métaphore d’un miroir d’un autre monde dans lequel je vis.
L’arum
Utilisé comme un ornement dans des jardins créoles, il est aussi une véritable plante invasive et parasite dans des forêts de La Réunion. Sa forme blanche et alvéolée m’a inspiré pour créer mes propres « fleurs du silence ». La lecture des fiches caractéristiques de l’arum (blanche) m’a aidé à trouver une allégorie pour mes créations sonores-visuelles, comme une représentation d’un autre monde invisible. J’ai repris les mots-clés alvéolé, invasive et parasite, qui accompagnent mes créations depuis.
La chambre
Ces derniers temps, je travaille régulièrement dans ma chambre. Le lit devient une nouvelle source d’inspiration grâce aux draps et qu’il soit utilisé pour se reposer. La chambre se rapproche presque d’une phase de méditation, où je me marie avec les bons et mauvais côtés du « silence sourd » qui vit dans celle-ci.
Mes aides auditives
Ce sont des petites machines qui aident à récupérer les sons de l’environnement, par une amplification audio. Selon moi, elles sont évocatrices d’un pont entre deux mondes. En effet, bien qu’elles m’aident à amplifier tous les sons, je n’entends pas assez. Je compense donc des manques auditifs par une attention visuelle ainsi qu’une perception des vibrations sonores plus importantes. Ces machines sont tantôt des objets mécaniques, tantôt une métaphore d’un voyage entre plusieurs mondes sonores. Elles font parties de mes outils de travail, en plus de ma propre perception sonore, pour comparer ou imaginer ce qui est audible et non-audible.